La montagne a accouché d’un sourire
Dans son premier livre autoédité "Chacun son sommet", François Lanoie narre l’épopée d’un «p’tit gars» de l’Outaouais parti de rien et arrivé à l’apogée d’une carrière et d’un voyage initiatique accompli sur le Kilimandjaro et l’Everest.
« Chaque pas me rapproche du sommet », se répétait, tel un mantra, François Lanoie pendant son ascension du Kilimandjaro en 2015. « Je ne voulais aucune pensée négative sinon j’abandonnais », raconte-t-il. C’est le message qu’il entend transmettre : persévérer et ne jamais renoncer.
Fort d’un tempérament d’airain, sa première ascension sociale ne fut toutefois pas des plus commodes. Gagner son argent tout en étudiant le soir. Cette sempiternelle peur de manquer ; autre marque indélébile de ses origines modestes. Après un DEP, il accède au CÉGEP puis à l’université, toujours dans le domaine de la comptabilité. Par trop, le milieu conditionne l’individu.
Cependant, l’auteur a déjoué les pronostics du déterminisme social, au forceps, étape par étape. Il fera montre d’une volonté comparable dans ses expéditions.
Il lui manquait un frisson. Jeune homme, déjà épris de grands espaces, il se rendit à l’Île-du-Prince-Édouard sur le pouce. Un besoin de se ressourcer loin de la civilisation et un credo : « se perdre ailleurs pour se retrouver ».
Affronter le Kilimandjaro
Cette fois-ci, ce sera le pic épique du Kilimandjaro culminant à 5 891 mètres. La montagne revêt quelque aspect métaphorique. Affronter un géant de la nature avec l’humilité héritée de son éducation empreinte de valeurs prégnantes : simplicité et partage confraternels. « Je voulais vivre une expérience d’équipe », confirme-t-il.
Et pourtant, l’alors quinquagénaire n’avait même jamais campé. Une mission monumentale. Une longue préparation physique s’est imposée malgré un handicap : impossible, au Québec, de recréer les conditions d’un manque d’oxygène.
D’âpres conditions
En Tanzanie, un guide québécois s’enquiert de son état, si des maux de tête ou des étourdissements l’assaillent. Le taux d’oxygène est contrôlé régulièrement. Si nécessaire, pour pallier le manque, des comprimés sont prescrits. Les Sherpas possèdent un cœur plus développé, car rompus à l’exercice. La nature témoigne de la raréfaction de l’oxygène : le paysage rocailleux peuplé de séneçons géants, seules sentinelles «verdoyantes» qui résistent à cet environnement hostile.
Sa plus grande émotion survient au retour de son odyssée dantesque. Il fait l’impasse sur les agapes pour récupérer du temps de sommeil. C’était sans compter la générosité de ses coreligionnaires qui lui apporteront victuailles, médicaments et beaucoup de réconfort. François en pleurera. « Ça venait du côté humain de chaque personne qu’on a en nous, mais qui ne paraît pas souvent », lâche-t-il.
La pudeur effacée
La pudeur métropolitaine s’était effacée devant la souffrance collective endurée tout au long des pentes du massif volcanique.
« En région, il y a moins de pudeur. J’en connais, à Montréal, qui ne se préoccupaient pas autant de moi. Là-bas, mes compagnons randonneurs me demandaient comment j’allais alors que je ne les connaissais pas deux semaines auparavant.
Il faut souffrir ensemble pour se serrer les coudes. Au faîte du Kilimandjaro, on s’est enlacés. Unis, on avait triomphé de l’adversité », s’émeut-il.
En découlera son principe de vie : « Maintenant, à mon tour d’aider les autres et de laisser une bonne image de moi. » Un lecteur l’a remercié de s’être épanché. « S’ouvrir aux autres pour qu’ils se reconnaissent en vous », répond l’intéressé. Le Kilimandjaro fut sa dose d’adrénaline et de chaleur humaine. Dépendant, cela l’a conduit au Népal en 2018 et 2019, pour crapahuter jusqu’au camp de base de l’Everest, à plus de 5 100 mètres.
Fuir la froideur futile
M. Lanoie a fui la froideur futile et l’implacable solitude urbaine. « Il fallait que je m’éloigne de Montréal et me confronte au Kilimandjaro pour le côté sportif, mais c’est l’humain qui m’a marqué », précise-t-il. Et l’égalitarisme de facto : en ascension, plus de patrons, plus d’employés. L’ancien comptable s’en est allé chercher un brin de Québec solidaire (pas le parti) à des milliers de kilomètres. Son escouade de marcheurs du Kilimandjaro et de l’Everest est essentiellement composée de Québécois. Une volonté de s’embarquer avec des compatriotes.
Le Népal et la Tanzanie ont gravé en lui des souvenirs distincts. « Le Kilimandjaro est physiquement plus exigeant du fait des grandes variations de température. Soleil accablant et pluie s’enchaînent promptement. En hauteur, par -15 degrés en dépit de l’épuisement, on faisait de courtes pauses pour éviter le gel des orteils.»
« Au Népal, beaucoup de petits villages et de rencontres. J’ai aimé aussi la spiritualité. J’ai assisté à de sobres incinérations à ciel ouvert. On ne voit pas le corps qui se consume : un tas de paille le recouvre. Katmandou, la capitale, c’est cacophonique. La circulation folle : autos, vélos, piétons cohabitent de manière anarchique, mais il n’y a pas ou peu d’accidents », se remémore l’écrivain.
S’il préfère les montagnes, les surfaces planes lui siéent aussi. Ses premières escapades remontent à une huitaine d’années : Namibie, Égypte visitée en train du Caire au barrage d’Assouan et remontée en felouque (bateau à voile) le long du majestueux Nil. Et le désert ! « Le Sahara ! Quel beau silence ! Le ciel rose, la faune discrète. Les Sahraouis n’ont pas envie de quitter leur terre. Comme ces Gaspésiens «expatriés» qui retourneront en Gaspésie. Ce besoin d’air salin », estime-t-il.
De beaux modèles
À la manière de l’écrivain-aventurier français Sylvain Tesson, le Montpelliérois ne peut vivre sans défi et plein air. L’envie d’ailleurs bouillonne toujours, en attendant la fin pandémique. « L’Annapurna à l’automne, j’espère. D’ici là, je m’entraîne cinq fois par semaine », glisse-t-il.
Par sa pugnacité, François Lanoie rappelle John Locke, le personnage de la série américaine Perdus. À l’agence du circuit aventure, dont il rêve, qui pointe l’invalidité d’un Locke en fauteuil roulant, ce dernier rétorque : « Ne me dites pas ce que je ne peux pas faire quelque chose. » Une maxime que notre baroudeur pourrait faire sienne. Qu’importe les qu’en-dira-t-on, pourvu qu’il ait l’ivresse des cimes.
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