Étude sur les limites de vitesse
Des données empiriques qui pourraient sauver des vies
Après avoir étudié les données avant et après un changement de vitesse sur divers tronçons du Québec, des chercheurs de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) estiment que la diminution de la vitesse sur différentes rues peut assurer une plus grande sécurité.
Marie-Soleil Cloutier, géographe et chercheuse à l’UQAM et son collègue Ugo Lachapelle, professeur et chercheur à l’UQAM , se sont penchés sur l’impact de la réduction des limites de vitesse sur le nombre d’accidents graves ou mortels au Québec.
« On s’est rendu compte en regardant des écrits scientifiques qu’on parle souvent de la réduction de la vitesse comme étant une façon d’améliorer le bilan routier. Ça peut presque sembler évident et on sait que c’est vrai par la physique, par la cinétique de la chose. Si deux véhicules se frappent à 100 km/h, ça fait plus de dommages que deux véhicules qui se frappent à 50 km/h par exemple, explique Mme Cloutier. Le hic, c’est qu’on trouvait peu d’études empiriques, des études basées sur des données avant et après un changement de limite de vitesse par exemple. Donc nous, c’est ce qu’on a fait sur un échantillon de segments des routes qui sont sous la juridiction du ministère des Transports, donc des routes à numéros un peu partout au Québec. »
Les résultats de leur recherche démontrent quelque chose de très intéressant: Plus la limite de vitesse de base est élevée (entre 80 et 90 km/h) et plus la diminution est importante (une diminution variant entre 20 et 40 km/h), plus le gain de sécurité routière est important.
« Les routes sur lesquelles la vitesse est passée de 90 km/h à 70 km/h ou même à 50 km/h, c’est vraiment là qu’on a le plus de gains. Par contre, ce n’est pas parce qu’on change la limite de vitesse que les conducteurs vont vraiment changer leur comportement, souligne la chercheuse. Plusieurs personnes vont tout de même diminuer leur vitesse, mais on ne connaît pas la proportion de ceux qui vont réellement respecter la nouvelle limite. Parfois, ça ne prend pas juste un changement de vitesse: ça peut nécessiter un réaménagement de la route ou même de la présence policière, la combinaison de tout ça. Il y a vraiment quelque chose à faire sur ces segments de route là pour avoir une amélioration du bilan routier. »
Marie-Soleil Cloutier tient également à ajouter que l’étalement urbain visible dans certaines régions est lié de près à l’objectif de cette recherche.
« Vu l’étalement urbain dans certaines régions, on pourrait presque dire que certaines routes ont changé de vocation. Elles sont de plus en plus empruntées, sont entourées de maisons, servent à ouvrir de nouveaux quartiers, etc. Le ministère et les municipalités ont certains critères pour changer les limites de vitesse et nous, avec cette étude-là, on vient ajouter un exemple empirique pour leur dire que oui, ça fonctionne sur certains segments de routes. Selon les différents types de segments (routes à 2 ou 4 voies, routes avec terre-pleins, etc.) , on leur donne des preuves que diminuer la limite de vitesse peut réellement faire, ou non dans certains cas, une différence. On espère qu’ils vont utiliser nos résultats pour justifier leurs différentes décisions par rapport aux changements de limites de vitesse. »
Beaucoup de travail
Quadriller géographiquement les routes du Québec, en choisir certains segments et évaluer l’impact que les changements de limites de vitesse appliqués entre 2006 et 2013 ont eu sur le nombre d’accidents de la route avec blessés graves ou mortels. Telle était la mission de Marie-Soleil Cloutier et Ugo Lachapelle. Mais comment faire pour obtenir des informations sur autant de routes aux quatre coins de la province? Et qu’allaient-ils réussir à en tirer ?
« Je dirais que notre plus grand défi était de colliger les différentes bases de données puisque nous avions beaucoup de données du ministère, mais que nous avions aussi amassé des données de Données Québec ou de Statistique Canada. C’est parce que je suis géographe et que notre équipe a créé les bases de données spatiales que nous avons été capables de nous arranger pour que les données se parlent, précise Marie-Soleil Cloutier. Par exemple, pour les collisions, c’est une base de données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) en accès libre sur Données Québec, mais on ne sait pas toujours où elles sont dans l’espace par rapport aux segments de routes dont la limite de vitesse est 90 km/h. Mettre toutes ces données-là ensemble fut un vrai défi, mais ce fut aussi ce qui a rendu ce projet aussi intéressant. On espère aussi avoir ouvert la porte à un meilleur accès et une meilleure intégration de nos diverses données au Québec pour pouvoir suivre dans le temps l’évolution de différents changements. »
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